Ep. 1. Le féminisme dans l’art : Suzanne Valadon
Au début du XXe siècle, un nom résonne parmi les cercles artistiques par son audace et son talent : Suzanne Valadon. Figure singulière du Montmartre de la Belle Époque, elle incarne une aventure hors du commun, celle d'une femme qui, partant de l’ombre des artistes masculins, s'impose sur la scène artistique mondiale. Son histoire est d’abord celle d'une muse, mais elle deviendra bien plus que cela : une des premières femmes peintres reconnues dans un univers dominé par les hommes.
Née en 1865, Suzanne Valadon débute sa carrière artistique de manière improbable. Fille d'une blanchisseuse, elle est la muse des ateliers de Montmartre pour les plus grands artistes de son époque, parmi lesquels Henri Toulouse-Lautrec, Edgar Degas, et Pierre-Auguste Renoir. Mais très vite, celle qu’on renomme “l’affranchie de montmarte”, va passer de l’autre côté du pinceau. Ce sont les regards et les gestes de ces maîtres qui nourrissent en elle une volonté farouche de créer, de peindre, de revendiquer sa place dans l’art.
À une époque où les femmes sont souvent effacées du paysage culturel et artistique, Suzanne Valadon fait exception. Son travail est celui d’une femme qui refuse de se laisser enfermer dans les cases, qui puise dans son expérience de modèle pour explorer la vérité brute de la vie, du corps humain, des sentiments. Elle peindra la vie telle qu'elle la perçoit, sans compromis, parfois de façon provocante, mais toujours avec une étonnante justesse.
“Les Baigneuses”, 1923
Le féminisme de Valadon ne réside pas seulement dans le fait qu’elle ait brisé les codes de son époque. Elle s’approprie son corps et son art de manière radicale, s’éloignant des stéréotypes de la femme soumise et de sa beauté parfaite. Valadon peindra des nus de femmes, mais ce sont des femmes pleines de vie, fortes, dotées d’une sensualité décomplexée, loin de l’image idéalisée ou déformée que les hommes imposaient souvent dans la peinture. Elle porte sur ses modèles un regard affirmé et respectueux, un regard qui affirme leur humanité sans fard. Son œuvre donne ainsi une voix aux femmes dans l’art, un écho de ce que pourrait être un féminisme de l’époque.
“La chambre bleue”, 1923
Outre sa propre carrière artistique, Suzanne Valadon a marqué l'histoire par sa maternité. Elle met au monde Maurice Utrillo en 1883, qui deviendra l’un des plus grands noms du Fauvisme. Le fils de Valadon, bien que tourmenté par ses démons personnels, sera également l’un des artistes phare du Montmartre du XXe siècle. Sa relation avec sa mère, à la fois modèle, guide et source d’inspiration, est au cœur de son parcours artistique.
Ainsi, Suzanne Valadon a non seulement su s’imposer comme peintre dans un monde d’hommes, mais elle a aussi contribué, à travers son fils, à l’émergence d’un autre talent d'exception.
Suzanne Valadon et son fils, Maurice Utrillo
Aujourd’hui, l’œuvre de Suzanne Valadon trouve une nouvelle lumière grâce à une exposition dédiée au Centre Pompidou, en cours jusqu'au 26 février 2025. Ce voyage à travers ses tableaux et ses dessins, révèle une œuvre profondément intime, mais aussi résolument moderne.